Michel EISENLOHR
Auteur photographe
Né à la Ciotat en 1974, Michel Eisenlohr est auteur photographe depuis une vingtaine d’années. Son itinéraire photographique est le fruit d’une passion pour la littérature de voyage, d’un parcours universitaire sur les rites de l’Initiation, et de ce goût de l’autre qu’il renouvelle à chaque sujet, chaque destination.
C’est lors d’un voyage en 1998 en pays Dogon qu’il réalise ses premières images.
Depuis, il poursuit ses reportages à l’étranger, sur le pourtour méditerranéen, en Afrique de l’Ouest, au Proche Orient, en Inde ou plus récemment en Islande. Il se nourrit des rencontres et des cultures, en quête de cette Lumière qui, couchée sur papier, laisse apparaître une image du monde. Parallèlement, il s’attache aux paysages urbains avec pour premier thème sa ville de jeunesse, Marseille, mais également Gênes, Porto ou encore Honk-Kong et ses enclaves urbaines auxquelles il consacre une exposition et un ouvrage. L’esprit des villes mais aussi la mémoire des lieux, comme les vestiges de Palmyre en Syrie, les anciens palaces de Menton ou encore les fortifications perchées le long de la frontière franco-italienne. Autant de sujets sur lesquels il pose son regard par le biais de reportages personnels ou de commandes institutionnelles.
Avec ces multiples facettes, le travail de Michel Eisenlohr assume une grande liberté artistique, puisant dans la tradition classique du noir et blanc, s’inscrivant parfois dans une photographie pictorialiste, ou maîtrisant les techniques numériques les plus pointues. Son regard est à la croisée entre la photographie “pure” documentaire et la photographie plasticienne. C’est une photographie de l’oxymore où les contraires se rejoignent. Photographe de la trace, de la lumière et du sensible, son travail est régulièrement présenté en France et à l’étranger, et fait l’objet de plusieurs publications.
Expositions Forts des confins
Si l’acte photographique de lieux patrimoniaux peut de prime abord être un outil documentaire, voire d’inventaire, il me semble évident lorsqu’on fait appel à un regard d’artiste que cet acte doit dépasser cette fonction commune pour tendre vers une approche plus interprétative. C’est cette démarche que je défends au fil des sujets depuis une quinzaine d’années et dans laquelle j’ai mené ce reportage Forts des confins.
Initié par l’Association pour le Développement Touristique de la Roya-Bevera et la Direction régionale des Affaires culturelles de Provence Alpes Côte d’Azur, ce travail photographique s’attache à mettre en lumière le patrimoine fortifié des XIXe et XXe siècles, situé sur des territoires-frontières entre la France et l’Italie. Non pas les sites les plus connus, comme les constructions réalisées par Vauban qui aujourd’hui bénéficient d’une protection et de travaux de conservation, mais bien ceux, plus nombreux et moins accessibles, qui jalonnent les hauteurs des montagnes, parfois enterrés, camouflés dans le paysage ou au contraire impressionnants et majestueux comme des signaux de défense, des silhouettes de vigies.
Au fil des saisons, mon objectif a été de proposer une autre histoire de ces lieux, où la « grande » Histoire côtoie celle de l’infime. Où drame et mystère se rejoignent. Sur certains sites, des batailles ont été menées et les murs en gardent les stigmates. Dans d’autres, se fut l’attente des hommes, longue, épuisante durant des mois sans que rien ne bouge. Ce sont des histoires aujourd’hui silencieuses, intimement liées à un paysage d’une puissance écrasante.
Pour tendre vers cette émotion, il faut éprouver les lieux. Marcher, escalader parfois, accepter de se perdre. S’enfoncer dans les entrailles de béton en se laissant guider par un halo de lumière. Bivouaquer au pied des baraquements pour saisir l’ombre portée des ruines sous la pleine lune. Puis se lever aux premières lumières lorsque l’astre soleil apporte douceur à ces lieux abandonnés et torturés. Afin de capter ces lumières particulières, j’ai souvent travaillé en vitesses lentes, sur pied, et limité le nombre de prises de vues. J’ai besoin de ce rapport direct avec les éléments que je photographie, d’une confrontation physique au paysage. Je me sens alors comme un explorateur en milieu hostile, même si les paysages sont parcourus par de multiples chemins de randonnée.
L’instant photographique devient un instant intime, une relation privilégiée entre le fort et moi.
La série Forts des confins rejoint l’esprit des premières missions photographiques du XIXe siècle. Une vision artistique qui dépasse la fonction première de ces lieux pour en révéler la force plastique et le mystère.